Interview de Caroline Rousset, Directrice Smart Analytics chez Micropole
La crise sanitaire a conduit de nombreuses entreprises à revoir leur mode de fonctionnement, notamment en mettant en place le télétravail. Comment les modes de travail et la gestion des projets ont-ils évolué ? Comment maintenir le lien avec les équipes, les clients et les partenaires à distance ? Réponses de notre #InnovativePeople Caroline Rousset, Directrice Smart Analytics chez Micropole.
Depuis que notre pays est entré en confinement, comment gérez-vous les impacts de cette crise sanitaire ?
Nous avançons un pas après l’autre et essayons de prendre beaucoup de recul. La situation est inédite : on ne peut pas vraiment dire que nous étions préparés, même si nous sommes une entreprise de par sa nature digitale et habitués à gérer des équipes qui ne sont pas à nos côtés mais chez nos clients. Nous avons quand même eu certaines facilités, nous avons basculé en moins de 48 heures en télétravail avec nos équipes sans soucis majeurs. Jusqu’à présent, nous avancions sur une autoroute avec GPS, et nous avons basculé en un week-end sur une route non damée en terre inconnue. Le plus important, c’est de sortir la tête du guidon, prioriser les risques et ne pas se laisser submerger par ce contexte inédit. Les choses évoluent très vite, nous devons aussi garder à l’esprit que chaque semaine nous apportera son lot d’imprévus et avoir conscience que cela pourrait impacter notre vue d’ensemble. En réalité, il ne s’agit pas que d’une crise mais plutôt d’une succession de crises car c’est tout un ensemble de choses que l’on doit gérer.
Qu’est-ce que la crise actuelle a changé dans votre gestion des projets ?
Il y a deux mois, l’idée d’un mode de travail 100% en télétravail chez la plupart de nos clients était inconcevable. Aujourd’hui, c’est possible. Bien entendu, tous les projets n’ont pas été impactés de la même manière. Pour certains, nous avions déjà une organisation à distance bien établie vis-à-vis de nos clients ; pour d’autres, au contraire, nous avions déjà une forte proximité, notamment entretenue par une présence sur site. Dans tous les cas, nos équipes projets ont dû se réorganiser en interne pour passer à un mode de fonctionnement à distance, en toute réactivité et agilité. Fini les points projets à la machine à café ou le levé de tête pour voir si un tel est disponible pour échanger sur telle problématique. Travailler à distance, c’est l’opportunité de pouvoir gérer des projets d’une façon encore plus formalisée et d’adapter nos modes de communication. Cela nécessite plus d’organisation et de planification, mais la distance entraîne aussi une perte de spontanéité dans les échanges.
Les modes de travail ont-ils évolué avec vos collaborateurs ? Si oui, de quelle manière ?
Oui, car il y a une vraie culture de l’oral chez Micropole. Nous avons l’habitude d’avoir de nombreux d’échanges informels à la machine à café. Le petit café du matin avec mon équipe, c’est franchement le rituel qui me manque le plus. La plupart de nos habitudes et de nos réflexes de travail sont potentiellement remis en question par cette crise sanitaire. Nous avons dû nous adapter, mais notre chance c’est d’avoir des équipes projets de petite taille et qui se connaissent très bien. La période que nous traversons bouleverse également les codes de nos réunions. L’animation avec mes équipes ne se fait plus seulement à plusieurs, mais je prends davantage le pouls en one to one. La visioconférence c’est sympa, mais au-delà d’un certain nombre de participants, cela devient vite ingérable et contre-productif. Je note que certains collaborateurs hésitent à appeler, car il peut y avoir un côté plus intrusif dans la relation : on ne sait pas si un tel est concentré sur une tâche bien précise à un moment précis, alors le nombre d’échanges écrits explosent littéralement. Le plus important, c’est d’ouvrir la discussion, de rester ouvert et de favoriser la communication dans les deux sens. C’est ce qu’on attend d’un manager, car la crise soulève chaque jour de nouvelles interrogations et tous les collaborateurs ne sont pas impactés de la même manière.
A distance, comment créez-vous un environnement favorable à l’intelligence collective ?
C’est sans aucun doute ce qui est le plus complexe à maintenir. Nous savons transmettre des informations et gérer l’animation en petits comités, mais il est beaucoup plus compliqué d’aller vers l’intelligence collective à distance en bénéficiant du regard individuel sur un point précis. Nous avons notamment mis en place des sessions de présentations auprès des équipes, en adaptant leur fréquence et les créneaux. En cette période de pandémie, nous sommes toujours plus centrés sur l’humain. En se plaçant en position d’écoute et d’observation des réactions, nous faisons évoluer les bases d’un jeu collaboratif de meilleure qualité, basé sur l’intelligence collective, l’agilité et la confiance. Cette crise donne l’occasion d’initier un nouveau paradigme managérial et de développer autrement une bonne dynamique collective. Par la force des choses, cette période aura des effets bénéfiques sur notre manière de travailler : elle nous fait passer du travail collectif au collectif de travail.
Comment maintenez-vous le lien avec vos clients et vos partenaires à distance ?
Le constat est le même qu’avec les équipes : je trouve que la période change notre relation aux autres, il y a beaucoup d’empathie et de bienveillance de toutes parts. Je trouve que la relation client devient également beaucoup plus humaine, personnelle et spontanée, moins intéressée. Plus que jamais, on est entrés dans une ère où il y a encore plus de place pour l’expression des émotions mais aussi des valeurs. La situation actuelle est vécue, partagée et fait l’objet de discussions : tout le monde vit, à un niveau individuel, la même crise et la même prise de recul en même temps, et cela créée forcément un lien.
Comment envisagez-vous la sortie de crise et vous préparez-vous à la reprise d’activité ?
Je ne suis pas certaine que l’on puisse parler d’une « sortie de crise » aujourd’hui, car la situation va s’allonger dans le temps. Nous avons vu, à court terme, cette situation temporaire gérée dans l’urgence avec le confinement, et nous allons rentrer courant mai dans une deuxième étape qui risque de durer, peut-être avec moins de limitations, mais la distanciation sociale sera toujours de rigueur. Combien d’étapes y aura-t-il ? Personne ne le sait. La priorité est de relancer l’activité PENDANT la crise. Notre environnement va durablement être modifié et c’est à ce nouvel environnement qu’il va falloir s’adapter en résolvant l’équation proximité d’équipe-distanciation physique. Fini la bise tous les matins, il faut qu’on se prépare à quelque chose de différent et de durable. Nos modes de travail et de communication sont amenés à évoluer et mettent notre capacité d’adaptation et à créer du lien à l’épreuve. Ces modifications sont aussi de nouvelles opportunités et peuvent devenir un réel facteur d’innovation permettant à nos clients d’évoluer. La réelle innovation ne peut fonctionner qu’en équipe, grâce au rebond d’idées basé sur les éléments – le matériel, l’environnement, les technologies, etc. – à disposition. Je me plais à penser à un shaker pour me représenter l’innovation : un concept par-ci, une technologie par-là, vous mélangez tous les ingrédients à votre disposition, et BINGO vous tenez un nouveau concept et/ou un nouvel usage. Et comme rien ne se perd et tout se transforme, ajoutez un nouvel ingrédient et c’est toute une nouvelle palette de saveurs qui s’ouvre à nos clients : digitalisation, parcours clients, expérience employés… Le champ des possibles est infini !